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Sorties culturelles

Découvertes disques

21 février 2008

Critique invité : Jean-François Doré, chargé de cours à la Faculté des sciences

Pierre Lapointe en concert dans la forêt des mal-aimés, Pierre Lapointe et l'Orchestre métropolitain du Grand Montréal

En clôture des Francofolies 2007, quelque 100 000 chanceux – étiez-vous du nombre? – se sont amassés sous les étoiles pour entendre Pierre Lapointe accompagné de l'Orchestre métropolitain du Grand Montréal et de son dynamique chef Yannick Nézet-Séguin. Si le titre de l'album peut laisser croire à une relecture de l'opus précédent de Pierre Lapointe, il n'en est rien, car on retrouve également des pièces de son 1er album. Néanmoins, on dénote l'absence d'une pièce inédite qui aurait donné une plus-value ou, en tout cas, aurait sustenté les nombreux fans du dandy québécois. Malgré cela, l'orchestration symphonique se juxtapose merveilleusement bien avec la théâtralité de Lapointe; on pourrait croire à une trame sonore de film de vampires ou de l'univers de Tim Burton!

Mis à part quelques touches de clavier trop synthétiques à mon goût, l'ensemble musical enrobe et donne une force nouvelle aux chansons. Quoique j'aurais davantage aimé qu'on «reconstruise» les chansons avec les possibilités offertes par les 80 nouveaux musiciens sur scène. En plus des succès déjà entendus, comme «Debout sur ma tête» et «Au pays des fleurs de la transe», j'ai redécouvert «Plaisirs dénudés» – paradoxalement seul au piano! – ainsi que «L'endomètre rebelle».

En écoutant les deux premiers albums de Pierre Lapointe, j'étais un peu mitigé à son sujet, n'y voyant qu'un hybride peu original de Thomas Fersen et Jacques Brel – il faut d'ailleurs écouter Reine Émilie pour constater l'influence de ce dernier… Cependant, avec cet enregistrement, force est de constater qu'il trouve sa couleur propre. Malheureusement, question budgétaire, la sortie DVD de cet événement n'est pas prévue; nous devrons donc nous imaginer le visuel!

Rouge-gorge, Geneviève et Matthieu

Duo amoureux originaire de l'Abitibi, Geneviève et Matthieu en sont à leur 3e opus, après Mélodies en 2001 et Crions notre joie en 2003. Ils poursuivent leur art minimaliste avec désinvolture, quoique un peu plus près de la pop qu'auparavant, mais toujours très éloigné des radios commerciales. À bien des égards, les paroles ne semblent être que prétextes pour instrument vocal afin de répondre à la musique. Ainsi, le tandem mise sur la dichotomie de son timbre de voix. Geneviève joue de sa voix aigüe à la Yoko Ono, alors que Matthieu répond plusieurs octaves plus bas, aussi caverneux qu'il le peut.

D'airs légers, à la limite enfantins («Les doigts de mon piano», «Brouillard»), on passe à des rythmes pesants («Et tu dors», «Talons aiguilles») en gardant comme unité de base des mélodies simples, voire simplistes. Par exemple, dans «Dynamite», où l'air est doux et tendre, on met en contraste la raideur des paroles : «J'aime la dynamique, toi aussi, tu l'aimes»! On sent clairement l'influence des années 80 dans l'utilisation de la basse ou de la batterie, donnant un soupçon de nostalgie, ou dans certains cas, un son délibérément kitch. Si l'album débute en trombe avec «Radio Cobalt», il s'épuise au bout de 31 petites minutes de musique, ce qui pourrait constituer son principal défaut. Laissez-vous quelques écoutes et vous pourriez être gagné à l'art minimaliste-pop-naïf de Geneviève et Matthieu.

Le zoo : un hommage à Jean-Claude Lauzon, artistes variés

Le bouillant cinéaste Jean-Claude Lauzon est décédé tragiquement en août 1997 lors d'un voyage de pêche. Parti trop tôt à 43 ans, il n'aura eu le temps que de réaliser deux longs métrages, Léolo et Un zoo la nuit, des films qui toutefois resteront comme des œuvres fortes. Pour lui rendre hommage, son mentor André Petrowski – père de Nathalie, chroniqueuse à La Presse – a réuni des artistes pour mettre en musique des poèmes du disparu. On retrouve une brochette hétéroclite de chanteurs et de comédiens allant de Yann Perreau à Alfa Rococo en passant par Stefie Shock.

Si Jean-Claude Lauzon n'est pas à la hauteur d'un poète maudit, le résultat permet de mieux s'immiscer dans ce qu'il a été. Par exemple, son enfance est relatée sur «Cordes à linges et ruelles sales» ou «Mon éducation». D'une manière générale, chaque compositeur s'est approprié ses mots, permettant de dégager une homogénéité d'ensemble pour l'album avec une saveur toute personnelle pour chaque pièce. Ainsi, Jean Leloup propose une chanson qui aurait pu se retrouver sur Les fourmis. D'entrée de jeu, Ève Cournoyer ouvre avec «En t'espérant d'hier», poème qui sera réinventé, avec une autre musique – bel exercice de style – par Florence K en toute fin. Le texte le mieux rendu est peut-être «Le temps de m'entendre», par Luce Dufault, où celle-ci brille par sa qualité d'interprétation. Un disque qui suscite la curiosité, et permet un étalage de style.